En l’entendant dire que l’histoire était longue, Briam fronça le museau, ce qui équivalait chez lui à une grimace. La version courte des événements était toujours la meilleure et fort heureusement, ce fut celle que choisit de lui raconter l’elfe. Décidément, certains aimaient un peu trop le combat… Pourquoi vouer son existence à combattre alors que cela ne faisait aucune différence ? L’Empire était toujours debout, les Vardens n’en finissaient pas de chercher des solutions pour en venir à bout et pendant ce temps, les combattants mourraient d’un côté comme de l’autre. S’engager dans la lutte c’était signer son arrêt de mort prématurée. Cependant, ce fut un autre élément du récit qui attira l’attention du dragon.

*Vous avez simplement décidé de faire chemins à part ? J’ignorais que c’était même possible. Un dragon qui choisit un dragonnier et le marque ne peut alors plus vivre sans lui. Du moins c’est ce qui se dit...*

La créature louvoya entre deux arbres, bifurquant parfois pour prendre une autre direction sur plusieurs mètres avant de revenir à son cap initial. Même avec toutes les précautions du monde, Briam laissait des traces de son passage. La seule façon qu’il connaissait de brouiller les pistes étaient de changer d’itinéraire pour faire perdre du temps à d’éventuels poursuivants. Et si rien n’était à leurs trousses, au moins auraient-ils fait une jolie balade en forêt. Sous la pluie.

*J’ignorais également que les Vardens laissaient partir les guerriers sans rien dire. Avec tous les secrets que tu connais à leur propos, te laisser vagabonder et possiblement être capturé et interrogé est sans doute le pire décision qu’ils aient pu prendre. Cela dit, ça explique pourquoi leur très chère rébellion n’avance pas d’un pouce.*

Briam n’avait pas d’affection particulière pour les rebelles, quand bien même ils faisaient opposition à l’Empire qu’il appréciait encore moins. Les combats entre bipèdes restaient des combats dont il ne souhaitait pas se mêler si c’était possible. Pour mieux fuir toute cette agitation à travers l’Alagaesia, il avait pris grand soin de s’informer sur les deux camps et d’éviter les zones où les affrontements étaient les plus fréquents. Des tactiques des deux camps, il ne connaissait rien de plus que les grandes lignes : attaquer férocement pour les uns, saboter et prendre par surprise pour les autres. Mais inutile d’être un grand stratège militaire pour savoir quels étaient les risques de laisser un allié tomber aux mains d’un adversaire, surtout lorsque le secret est une part essentielle de sa défense.
Inutile de débattre vainement des décisions de personnes dont il ne se souciait pas, même si la nouvelle avait de quoi l’étonner. Jusqu’à présent, le dénommé Valaraukar s’en était bien tiré, la chance était sans doute de son côté.

Humant l’air humide de la forêt, le dragon d’azur bifurqua une nouvelle fois pour se diriger vers une partie de la forêt qui lui semblait plus épaisse. Sa large carcasse de reptile volant aurait bien du mal à se frayer un passage sans tout écraser, mais il ne doutait pas que la petite taille de l’elfe lui permette de se trouver un abri dans cet imbroglio végétal.

*Nous allons entrer dans le sous-bois, un peu plus au nord, tu pourras t’y cacher. Pour trouver un soigneur il faudra certainement te rendre dans une cité elfique, mais j’ignore où se trouve la plus proche.*

Il jeta un nouveau regard par-dessus son épaule. Avec ses larges foulées, Briam les avait emmené assez loin de leur position de départ. Cependant il n’allait pas passer le reste de sa journée à marcher sous la pluie avec un inconnu sur le dos en train de saigner. Il avait accompli sa bonne action du jour en permettant à l’elfe de fuir ses poursuivants, mais leurs chemins allaient bientôt se séparer.

*Tu devrais peut-être te mettre à la recherche de ton dragon si tu veux continuer de combattre. Tu dois lui manquer.*